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KERIAN LORGHA

25 septembre 2007

Acte de peindre

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 Ecrire sur l'art, parler de peinture, est une redoutable tâche pour peu qu'on essaye de le faire sincèrement. Pour mettre des mots sur l'acte de peinture, il faut pouvoir le serner, “l'évacuer de soi” pour analyser son fonctionnement et les différents éléments qui le composent. Il ne sagit pas de confondre toutes les valeurs, de se moquer des hiérarchies inconscientes, voir secrètes, qui s'imposent à moi au commencement de toute peinture.

 

 En écrivant ces lignes, je lève le voile sur la courbe innommable de mon cheminement. Cette courbe qui est difficile à définir puisqu'elle n'a pas de figure, mais qui est dynamique, mouvement, rythme, élan et qui structure l'ensemble de mon existence.

Ma vocation artistique trouve son origine dans la souffrance vécue lors d'un événement survenu brutalement. Tout d'un coup, à cause de cette expérience marquante, s'est formée devant mes yeux une nouvelle réalitée. Je me suis rendu compte que les choses n'étaient pas exactement comme on voulait me faire croire qu'elles étaient. Alors est apparue une contradiction insupportable entre le milieu dans lequel j'ai grandi et la nouvelle vision qui est le fruit de mon expérience. Un réajustement s'imposait. C'est là qu'est né mon travail de création.

 C'est à force d'expériences et au contact d'aînés, peintres contemporains et classiques, que mon choix s'est porté sur la peinture. Etant plus jeune, je m'ennuyais à l'école, je cherchais par tous les moyens à m'échapper. C'est par hasard que je suis allé me nourrir au musée.

J'aimais les peintures, surtout celles des primitifs flamands.

.Par la lumière émanant du fond des tableaux, par leur composition subtile tel que chez Dirk Bouts, par la peau presque translucide des modèles de Van der Weyden, je me suis trouvé en un face à face immobile me faisant sentir un lien d'appartenance mystérieux. Je ressentais instinctivement qu'il y avait là quelque chose à découvrir.

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  Dans un monde que la technique submerge, nous vivons asphyxiés par le souci égoïste de notre confort matériel. Nous vivons constamment “distraits”, au point d'oublier nos racines les plus élémentaires, presque au point d'oublier nos instincts. Tout ce qui nous entoure est artificiel et faux ou tend à l'être. Rappeler à l'homme ce qu'il est, lui fournir un thème de réflexion, produire un choc qui le fasse sortir de ce monde en trompe-l'oeil et le conduise à ses véritables possibilités. Voilà à quoi tend mon oeuvre.

 

Je m'efforce d'employer pour mener à bien cette pratique de la suggestion des moyens directs et efficaces. Il est surprenant de voir comment un changement presque impercebtible, une très légère différence de couleurs ou de lumières expriment des états émotifs différents.

Il y a une extrême richesse de variations possibles que nous faisons presque toujours sans nous en rendre compte. Cette richesse prouve à quel point l'art est peu analytique et planifiable. L'artiste a nul besoin de règles; il projette sur le matériau comme une substance psychique et cette projection constitue l'essentiel. Ce qui compte, en effet, c 'est cette sorte d'énergie, quelque chose de profond qu'il m'est difficile de nommer, une qualité humaine non surhumaine; c'est cette chose qu'il faut dire en la projettant sur la toile.

 

 Peindre est ainsi une façon de réfléchir sur la vie et la réflexion est plus active que la simple contemplation. C'est la manifestation d'une volonté de discerner la réalité, de la fouiller, de collaborer à sa découverte et à sa compréhension. C'est pour cela que je n'ai jamais cru à la valeur intrinsèque de l'art. En soi, il me paraît n'être rien. Ce qui est important, c'est son rôle de tremplin qui nous aide à atteindre la connaissance. L'oeuvre est un simple support de la méditation, un artifice servant à fixer l'attention, à stabiliser ou à exciter l'esprit, sa valeur ne se juge qu'à ses résultats.
 

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 Concrètement, je pars des données du réel, je pars de l'expérience. En prenant des sujets de la nature, j'essaye d'en découvrir le côté neuf. Mentalement , j'essaye de rompre mes liens avec une sentimentalité courante et essaye de ne voir du monde que sa vaste image reflétée même dans les choses les plus petites. Ma sensibilité commence quand je me rends compte que tout est lié, que les remous de l'eau et de l'écorce de l'arbre sont parents, que les pierres et mon visage sont jumeaux, et que le monde se contracte ainsi peu à peu.

 Voilà le terrain net. Prendre l'image, puis en tirer l'essence dans un rapport aïgu entre la matière et l'esprit. L'image devient alors abstraction.

Peut-être dervais- je clarifier la nuance que je conçois entre la non-figuration et l'abstraction. La non-figuration consiste à rejeter l'imitation, la reproduction et même la déformation des formes de la nature. C'est, en quelque sorte, se refuser à faire entrer le monde extérieur dans son jeu. Alors que le monde extérieur est la source de mon expérience. Mon geste tend à s'identifier plus profondément à la lente construction du monde. Mais il est clair que le pouvoir d'intériorité et de déplacement du plan visuel qu'implique ma création n'est pas fonction du plus ou moins grand degré de ressemblance de l'oeuvre avec la réalité extérieure, mais avec un monde intérieur qui englobe le premier et s'épanouit jusqu'au plus purs motifs de l'être.

Au départ le but n'est pas toujours clair: “c'est sous les pas que se forme le chemin”.

Chaque peinture est le fruit d'une lente gestation. Je prends l'habitude de penser et de réagir au moyen d'images qui ensuite de façon inconsciente, se décantent, s'impriment ou s'éffacent. Mais lorsque je crois pouvoir, de but en blanc, travailler sur une idée déterminée je m'aperçois que l'oeuvre commande, elle aussi, car elle a ses propres lois – internes et externes- de dévelloppement. Elle se rebelle et m'impose ses conditions.

Comme un chercheur dans son laboratoire, je suis le premier spectateur des suggestions possibles arrachées à la matière.

J' en déchaîne les possibilités expressives, même si je n'ai pas au départ une idée parfaitement clair de ce que je vais faire.

C'est au fur et à mesure de mon travail que je formule ma pensée; et de cette lutte entre ce que je veux et la réalité de la matière, de cette tension naît un équilibre.

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30 mai 2007

KERIAN LORGHA


kerian Lorgha

<kerian.lorgha@yahoo.com>


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